ODE QUÉBEC

400 ans d’histoire en 400 vers alexandrins
Une histoire codée du Québec

Poésie, 44 p.
Éditions Carte blanche, 2007

Publié sous le pseudonyme Olivier Marion

Ode Québec relate les faits, légendes et personnages marquants de l’histoire québécoise, à partir de la découverte du pays. Le texte passe par l’humour, la satire ou le lyrisme, selon le cas. Véritable tour de force littéraire, cette ode « codée » cache plus de 500 noms historiques et géographiques, en plus de receler des centaines de jeux de mots allant des calembours aux holorimes et aux palindromes.

« Il n’y a que lui (Mario Pelletier) qui puisse écrire ce genre d’œuvre à la fois très poétique, historique et humoristique. C’est un cours de littérature et d’histoire en même temps. »

Jean Royer, FB 2016

Pauline Michel avec Mario Pelletier au Salon du livre de Québec, 14 avril 2007


Extraits :

		VERS 1 À 20
Par tout chant de mer et ciel que bec d’oiseau crie,
Par tout nom du pays que bec de plume écrit,
Écoutez la terre à cahin-caha chanter !
D’abord, l’Espagnol clame « Aca nada ! » et fuit,
À grand-peur de rester traqué bec sous la glace.
Mais, en l’an quinze cent trente-quatre, éveillés
Sous le bras d’or du jour qui a percé la gaze
Paisible du brouillard, des Français pleins d’espoir,
Ô belle illusion, font grande entrée dans l’Histoire.

Et débarquent marins malouins et... maringouins !

Les recevant avec grand remous et tam-tam,
Le chef indien dit aux Blancs : « Sablons le wigwam ! »
Et quand le calumet boucana d’abondance,
Sa parole il donna qu’on apporterait là,
Malgré les monstres vils aux cous dressés sur l’onde,
La fourrure de riches lieux au bout du monde.
Voyant s’exhiber des chaleureuses hôtesses
Qui sans tralala se trémoussaient d’allégresse,
Le chef français fit le franc souhait qu’on festoie...

Et hoche la galette au bout du tomahawk !

VERS 51 À 90

Au stade où s’accomplit le destin du pays,
Ça toussa sec et dansa chaud à Tadoussac,
Où grand troc de peaux se troussait de froc en sac.
Puis, à court de peaux, on ne trouva plus ça gai.
En laissant tomber des haha, on est passé
De l’aire de la baise à l’ire de la bise.
De grandes piles d’or les hantises calmées,
On chercha de la terre bonne à défricher,
Afin d’y vivre en sa cabane au bord de l’eau.

Et souffle bon vent, car mes vers cherchent beau port !

Cherchant plain terrain sous le grand cap et qui soit
Habitable, le fondateur trouva lieu propre
A y construire belle bâtisse, qu’en l’an
Mil six cent huit il habita, si on l’en croit.
Pâturages, labours et berceaux s’ensuivirent.
Les voir, ces François, premiers établis, le roi
Alors en rit quatre jours et nuits d’affilée,
Irritant l’ouïe très à vif des ministres, qui
Notaient sans cesse : « Halte aux louis qu’à tort s’y gaspille ! »

Et voilà l’habitant qui fonde hébergement !

L’ambition monte, et belle eau-de-vie coule avant
L’eau bénite, en ces bois francs de droits et de cultes.
Aux grands bivouacs succèdent les fermes neuves,
Où fleurit de partout la terre hier inculte.
À Paris, on fait belle cour aux riches veuves.
Par relations, la pelleterie aidera
Les mystiques desseins : martyr on deviendra
En voulant imposer Jésus vite aux Indiens.
J’augure mal de qui porte la pointe aux pères.

Que lâches n’aillent du moine dire « à quoi sert » !

Accourent celles qui mettront ce peuple au monde,
Les Marthe et Marie qui incarnent nation neuve.
Les filles du rouet filent mauvais coton
Quand on les rembarre à choisir l’élu du cœur,
Car il n’y en a pas pour chacune un meilleur.
Amour et argent sont souvent aux antipodes,
Et parfois bon couvent vaut mieux que vil mari.
Heureuses celles qu’on marie aux pelletiers,
Maçons, charpentiers et autres gens de métiers !

Qu’un rêve agricole berce les pionniers !


VERS 141 À 180
Voilà qu’en ce maudit temps glaiseux de septembre,
Les troupes de Wolfe en foule ont grimpé de nuit
Sur les hauteurs de Québec, qui n’a mur intact.
Treizième jour maudit, où, ville haute assaillie,
De pied en cap rouges de sang, les soldats tombent ;
Où, olfaction horrible, on sent la mort tout près ;
Où il n’y a bras amis au milieu des cris,
Dont les échos saisissants vous enguirlandaient
De condamnations en damnations infinies !


Et, pleines d’âmes aux abois, brament les plaines.

En amont, réaliste, Lévis s’est rendu.
1Sonnés, éblouis, quinze-vingt soldats le suivent.
Ainsi meurt résignée l’ultime défensive,
Car le tonnerre des armes avait frappé.
À mœurs et lois nouvelles se plie le vaincu,
Chien couché rongeant son os, attendant le jour
De mordre le pitbull anglais qui l’a mordu.
Et l’Amérique, dès lors, se sangle au fun noir
De son grand galop vers le Far West de l’Histoire.

Le roi saxon obtient l’empire et perd la carte !



Sous la roue implacable du destin, tombait
La Nouvelle-France, la mal bénie des dieux,
Disparue avec ses chefs encore rivaux,
Comme en chasse-galerie de coureurs des bois
Qui ne se pliaient pas plus à prêtre qu’à Dieu.
Et, de la haute rive, encore on les revoit
Tomber, rames et canots, au fond des noirceurs,
Comme des démons morts en sifflant de fureur :
Spectres qui exposent la pointe aux tremblements.


Et claquent au vent tous les squelettes d’antan !

Histoire et mythe dévalent dorénavant.
Ma grand-mère, ayant tenu tête à la baleine
Dont le cou longe l’océan, s’est mise un lac
À l’épaule, en plus de sept îles, trois rivières,
Deux montagnes puis le bouclier canadien.
Elle s’écrie, coquette : « Est-ce que mon chic choque ? »
Son chic outil mis à part, madame a bel air
Quand la tuque de neige ourle ses grosses roches.
Elle se déchaîne au bout de ses beaux harnois...

Et, secoués, ses appâts lâchent des tempêtes !

[…]